Aimer au Japon

En voilà un mystère à percer…

Depuis le début du voyage, je me questionne sur l’amour au Japon : l’amitié, la sensualité, l’amour dans le couple, comment faire la différence entre politesse, preuve d’amour et rapport commercial…

Par exemple, un soir où nous avions rendez-vous à 20h avec une amie française devant Studio Alta à Shinjuku (c’est un peu la fontaine Saint-Michel pour les parisien-ne-s : lieu de rendez-vous typique), on a pu observer tout ces « couples » Tinder (application de rencontres si je ne m’abuse) qui se retrouvent à 19h55 en se voyant pour la première fois. Ca va très vite : un petit « tu es Marie ? Oui ! » et c’est parti, ils sont déjà loin. Il n’est pas question de se saluer plus, de se faire la bise, de se demander où on va aller après ou de prendre des nouvelles en faisant le pied de grue au point de rendez-vous. A la française, quand Mathilde est arrivée à 20h07, on a passé 10 minutes sur place à se demander « comment vont les ami-e-s, et où est-ce qu’on loge, et t’as vu les gens là-bas le look qu’ils ont, et au fait, on fait quoi maintenant ? ». Tout ça pour dire que rien que dans la rencontre, il y a quelque chose qui me paraît vraiment étrange, étrangement distant, timide et calculé à la fois.

Ensuite, une fois qu’on a fait connaissance, on ne sait pas trop si c’est du lard ou du cochon. Il y a tellement de personnes qui paient pour avoir de simples conversations avec d’autres personnes dans les bars à hôtesses ou à hôtes, que parfois, on a la sensation que le rapport humain est devenu une marchandise.

Et enfin, il y a tellement de codes qu’on ne comprend pas, et une telle timidité de la plupart des japonais-es vis-à-vis des étranger-e-s, qu’on est un peu perdu dans les modes d’expression qui vont de l’indifférence à la convivialité sans qu’on ne sache trop comment le prendre…

Par exemple, nous nous sommes retrouvés dans un groupe de potiers à Koichiwara où nous avons été « invités » plus ou moins de force vu que nous logions chez un des invités à ce moment-là. Ces jours-là , nous avons été reçus partout, on nous a offert des repas et des moments d’exception (on vous en dira plus). Mais est-ce que c’est un devoir vis-à-vis de Tsuda san, notre hôte ? Est-ce que c’est avec une arrière pensée commerciale pour qu’on achète leurs produits ? Est-ce que c’est complètement sincère et on a le droit à un traitement de faveur parce qu’ils ont un bon feeling avec nous ? Je ne peux rien affirmer. Si j’étais complètement sûre de moi et si je voulais voir la vie en rose, je me dirais « comme ces personnes sont charmantes, quel sens de l’hospitalité, nous sommes toujours bien reçus avec beaucoup de générosité ! », mais là, ça ne passe pas. Est-ce moi qui porte des lunettes grises ou est-ce que je suis simplement lucide ?

Cette sensation ne m’empêche pas de profiter de l’instant présent et d’apprécier ces « cadeaux » pour ce qu’ils sont. C’est juste que générosité et sincérité ne résonnent pas pareil au Japon qu’en Iran (pays que nous avons largement comparés sur bien des aspects, peut-être qu’on en reparlera dans un autre article…).

Bref, je vous ai présenté quelques expériences parmi d’autres qui me font me questionner sur mon besoin d’amour, mon besoin de sincérité, mon besoin d’exprimer ma joie ou ma tristesse dans un pays où l’usage n’est pas de s’exprimer personnellement…

Après près de deux mois dans le pays, nous arrivons chez les Hayashida, et là, c’est le summum ! Satomi, Mahito, Haruto et Tomoka, on les aime de tout notre cœur ! Et ils nous accueillent chez eux : on se sent comme à la maison !

C’est à peu près à ce moment-là que je tombe sur un article de ma copine Béné : je vous conseille de le lire, il est très bien écrit et aborde beaucoup d’aspects de l’amour auxquels je suis sensible (au passage, vous pouvez aussi lire ses autres articles : 500 mots par semaine qu’elle écrit !) ! Alors là, je suis bouleversifiée… Elle parle de hugs, d’exprimer son amour aux autres, de déborder d’amour et de le partager avec le monde, pfiou ! Si seulement les japonais pouvaient lire ça ! Alors c’est partie, faisons notre déclaration d’amour à la Hayashida family ! Ah ben non, malgré une communication super fluide, « comme si nous étions de la famille » comme dirait Mahito (certainement la phrase la plus émouvante à notre égard venant d’un japonais ! Merci pour ça !), on va rien leur dire du tout, juste deux trois indices biens cachés, pour leur donner une chance de deviner.

Mais je me fourvoie peut-être, encore une question de langage, d’usage et de mode de communication ! Comme l’a dit une taïwanaise que nous avons rencontrée au Harappa Café : chez nous, il ne s’agit pas de dire son amour, ou de le montrer physiquement par des hugs, mais il s’agit d’accomplir son amour pour les autres, c’est-à-dire faire pour les autres… OK, à méditer ! Mais quand même, un petit « je tiens à toi ! » ou un petit câlin, ça fait du bien parfois, non ?

Alors voilà, vu ce qu’ils ont fait pour nous pendant cette semaine, je crois que notre amour pour cette petite famille est bien réciproque, et on a essayé de faire de notre mieux pour qu’ils s’en rendent compte sans avoir à le dire… Voilà, c’est comme ça, pas d’effusion de sentiments, pas de blabla, un petit câlin d’au revoir quand même (peut-être tout aussi intense que le câlin brésilien de Béné malgré sa courte durée, tout est relatif !). Mais il fallait quand même que je l’exprime quelque part ! J’aurais d’ailleurs pu écrire 15 articles à ce sujet, mais j’ai préféré la faire courte pour nos lectrices et lecteurs en grand nombre !

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