C’était il y a presque six ans, mes premiers ukemi (chutes) sur un tatami (voir ici), et c’était au Hombu Dojo à Tokyo.
Entre temps, nous y sommes revenus il y a trois ans, de nouveau pour un mois, et nous y revoilà une troisième fois !
Alors, qu’est-ce qu’on ressent ? Qu’est-ce que c’est l’Aikikai pour nous ? Et qu’est-ce qu’on y apprend ?
L’Aikikai : une institution
En revenant, on a cette sensation que rien n’a changé : les sensei sont les mêmes (en un peu plus gradés), l’emploi du temps est le même… même les élèves sont les mêmes et nous retrouvons avec plaisir les pratiquant-e-s rencontré-e-s à la première heure (sauf qu’eux, ils et elles ont passé leur shodan ou nidan – 1er ou 2e dan, et que nous sommes resté au kyu, ce qui nous surprend, parce qu’on a pas l’impression d’être à la bourre, mais c’est qu’ici, ça va vite !).
Les sensei
On commence à avoir nos préférés, on arrive mieux à analyser les pratiques et styles de chacun (pas besoin d’écriture inclusive, il n’y a pas de sensei femme à l’aikikai).
Il y a notre chouchou : Fujimaki Sensei, toujours la banane, une pratique souple et toute en énergie et dans le mouvement, il vient nous voir tout le temps avec ses quelques mots de français, on se sent bienvenu ! Il y a une bonne ambiance de travail dans ses cours, sans pression, sans compèt’, et pourtant avec une volonté de se dépasser. Après les cours, il revient souvent pour discuter avec ses élèves.
En plus, il a une façon de se tourner les chevilles tellement sensuelle ! J’ai essayé de partager ça avec Guilhem et Alex, mais ils ne semblent pas spécialement sensibles. Je dois être en manque de sensualité dans ce pays… Mais tout de même !
A part « Fujichéri », on tente quelques cours au 3e étage, normalement réservé aux élèves au-dessus de la première dan (comme on est rebelle 😉 !). Et là, on découvre quelques sensei intéressants : Osawa sensei et technique de la disparition soudaine : « je suis là, et hop, je ne suis plus là ! ». C’est impressionnant comme ce petit bonhomme d’environ 65 ans est rapide et dynamique. Il n’hésite pas à prendre des coups lorsque les attaques de ses partenaires sont bien menées : voilà un prof sincère qui enseigne également au travers de ses propres erreurs.
On aime aussi aller au cours d’Irie Sensei. D’une part parce qu’on peut faire cette blague pourrie : « on a bien rigolé, Irie tout le temps ! ». Et en plus, parce que c’est un sensei calme, ouvert, on a l’impression que l’aikido est de la poésie malgré un dynamisme et une puissance manifeste. En plus, il vient en vélo, le bokken à la main, en disant bonjour au passage !
Les aikidokas
Il y a les copains et copines, les inconnu-e-s, et les garant-e-s de l’étiquette.
Comme je le disais plus haut, on retrouve certaines connaissances, comme Nao, qui est la personne la plus posée que j’ai jamais rencontrée. Elle est danseuse, rolfeuse, et aikidoka, entre autres. Encore cette fois-ci, nous passons ensemble quelques moments privilégiés en dehors du dojo, pour découvrir un Tokyo en dehors de nos sentiers battus : son Tokyo à elle. On aimerait passer plus de temps avec Nao, mais ce mois-ci, elle n’est pas forcément très dispo…
Je n’ai pas grand chose à dire sur les inconnu-es, dans la mesure où je ne les connais pas, mais disons que l’ambiance au hombu dojo est parfois tellement anonyme qu’on dirait que les gens passent ici sans laisser de trace, même s’ils ou elles restent des années. Ca fait un peu flipper…
Et enfin, nos préféré-e-s : les garant-e-s de l’étiquette ! En général, ce sont des personnes occidentales qui font tout pour s’intégrer au Japon. Ils et elles en viennent même à être plus japonais que les japonais. Comme si leur rôle était d’exprimer en langage compréhensible aux occidentaux qui visitent le Japon, ce que pensent les japonais. Sauf que, comme les japonais-es n’expriment pas forcément ce qu’ils et elles pensent, même aux garant-e-s de l’étiquette, ces dernièr-e-s doivent interpréter, avec leur propre prisme, et ça en devient un peu lourd, voir ridicule, mais bon, si ça leur fait plaisir… D’ailleurs, ils et elles ont généralement l’air très épanoui-e-s : jamais un sourire, toujours l’air préoccupé, le teint blafard, l’air fatigué, bref, ça fait rêver de vouloir s’intégrer au Japon de cette façon !
Notre rapport à l’institution change.
Pour différentes raisons, notre rapport au hombu change. Peut-être qu’on se sent mieux dans notre aikido qu’il y a trois ans ? Peut-être que nous sommes moins impressionnés par les codes japonais qu’avant ? Peut-être qu’on a moins peur d’être nous-mêmes, y compris dans notre attitude au Dojo ? Peut-être qu’on s’est lassé de la répétition et qu’on cherche à aller plus loin ? Ou un bon petit mélange de tout ça, ce qui est fort probable !
Quoi qu’il en soit, on ne se sent pas comblés par notre quotidien à l’aikikai, on en veut plus : sur le plan de la pratique, c’est sûr. Souvent, on passe une heure à pratiquer. C’est cool, mais on n’a l’impression de ne rien avoir appris. Ce n’est pas une question de niveau du prof ou des personnes avec qui l’on pratique. Et par ailleurs, on fait le bilan à chaque fois, et on trouve des enseignements dans des tout petits détails : « tiens t’as vu, pendant la préparation, il a fait un mouvement différent, c’est pas mal ! » « et aussi, sur telle technique, il a mit ses pieds en V, j’ai essayé, mais je n’étais pas à l’aise ». Peut-être que nous ne sommes pas assez fins observateurs, peut-être qu’on cherche à apprendre trop vite, ou peut-être que la langue fait que nous ne captons pas tous les enseignements…
Après, il y a aussi sur le plan humain que l’aikikai nous semble « vide ». On a l’audace de penser qu’après 3 mois passés ici, on pourrait développer un rapport plus intime avec l’aikikai, faire un tout petit peu partie de la famille. Mais bien sûr que non… Même Alex, après 6 ans de pratique QUOTIDIENNE, reçoit à peine un regard des sensei ou autres pratiquant-e-s… Je suis admirative de la patiente d’Alex, et en même temps, personnellement, ça me blase un peu…
Voilà, un mois de plus à l’aikikai, on y a appris beaucoup, c’est sûr, cela nous a aussi donné une nouvelle fois l’occasion de pratiquer au Budokan à l’occasion de Kagami Biraki et on a pris le maximum auprès de nos préféré-e-s. Pas de regrets, au contraire, mais plutôt une petite sensation d’incomplétude…